lundi 21 août 2023

Épisode 3 : Alex, mon ami

Je suis dans mon appartement, occupé à vaquer à mes occupations, peut-être sur mon ordinateur… mon souvenir de ce moment est vague.

J’entends qu’on sonne à ma porte, plusieurs fois… Quelques instants plus tard, avant que je n’aie eu le temps d’ouvrir, quelqu’un toque.

C’est bon, relax, j’ai entendu, j’arrive.

J’ouvre la porte et je vois Nina, la copine de mon ami Alex, paniquée.

J’ai rencontré Alex et Nina dans la résidence où je vis, et nous avons très vite sympathisé.

Alex est Anglais et a pris sa retraite en Thaïlande. Nina travaille pour une compagnie qui organise des salons sur le mariage.

Nous nous voyons souvent pour prendre un café, partager un repas, et Alex me donne des cours d’Anglais. J’ai raté des opportunités professionnelles à cause de mon niveau d’Anglais insuffisant.

Une belle relation se développe, et nous apprécions ces moments passés ensemble.

La vie est faite, de temps en temps, de ces rencontres où il n’y a aucun intérêt, aucune arrière-pensée, juste le feeling qui opère et qui rend ces rencontres encore plus belles.

Je demande à Nina ce qui ne va pas, elle me répond… "Alex".

"Quoi Alex ? On a mangé ensemble il y a moins d'une heure. Je ne comprends pas ce qui se passe.

Je me rends dans leur appartement et je vois Alex, assis sur une chaise, un peu sonné mais conscient.

Je lui parle pour m’assurer qu’il m’entend, je lui demande de me parler pour être sûr qu’il reste conscient.

Il me répond, ses propos sont clairs, et il me dit qu’il a fait un malaise, mais que ça va mieux.

Depuis quelques jours, quand je rencontrais Alex, il avait des malaises, assez courts.

Il avait été voir un médecin, mais devait avoir un traitement… Il attendait que son assurance prenne en charge ces frais.

"Alex, va faire ce traitement. S’il le faut, je participerai aux frais et tu me rembourseras plus tard."

J’insiste, mais il refuse… Je ne peux pas le forcer… J’aurais dû.

Alex reprend ses esprits, il va mieux, la pression tombe et le calme revient.

Nina me demande s’il faut annuler l’ambulance qui a été appelée.

"Non. Il est préférable qu’un médecin le prenne en charge. Ces malaises sont inquiétants"

En attendant que le médecin arrive, Alex est toujours assis sur une chaise. J’essaie de le garder conscient, je lui parle, lui passe de l’eau froide sur le cou… Je sens qu’il a tendance à s’évanouir.

"Reste conscient, Alex, s’il te plaît. Le docteur arrive."

Soudainement, il s’écroule dans mes bras.

Au même moment, Neil, un copain Anglais qui vit dans la résidence, arrive.

J’ai le souvenir qu’on allonge Alex au sol.

On commence un massage cardiaque, Neil insuffle de l’air à Alex dans la bouche, je fais le massage cardiaque.

Je n’ai aucun souvenir de comment nous nous sommes réparti les gestes à faire, mais sûrement le réflexe de cours de secourisme.

Le temps paraît interminable jusqu’à l’arrivée du médecin.

Pendant combien de temps avons-nous massé Alex ? Quelques minutes, surement plus mais ça nous a paru être des heures.

Le médecin prend Alex en charge avec son équipe, on est fébrile mais confiant.

Malgré de nombreuses tentatives pendant 30 minutes, Alex ne réagit pas.

Tout est tellement confus, les souvenirs se bousculent, et je peux me tromper dans mes souvenirs, mais je vois l’image de ce médecin qui se relève et me dit : "On continue ?"

Comment puis-je prendre une telle décision ? Je n’ai aucun droit pour ça.

"On continue…"

Alex sera déclaré décédé un peu plus tard.

C'était en Août 2012… Le temps a passé depuis, tous ceux qui connaissaient Alex ont poursuivi leur vie, moi y compris, mais les souvenirs restent, et il ne faut pas garder en mémoire que ce jour où tout a basculé.

Ma mémoire a effacé ou plutôt gardé au fond d’elle-même certains moments de ce jour.

Est-ce une protection ? Je ne sais pas, sûrement, mais rien n’effacera ces moments passés ensemble, cette complicité, ces partages qui ont créé cette amitié entre des gens qui n’avaient pas la même langue, la même éducation, mais qui avaient un point en commun : le respect de l’autre.

"We miss You, Alex."






vendredi 4 août 2023

Épisode 2 : C'est Un Gag ?

Mon téléphone vibre, je viens de recevoir un message… ou plutôt une photo envoyée par une connaissance.

Je regarde cette photo, un peu incrédule : je me reconnais sur cette photo, mais le contexte me paraît irréel. On s'échange des photos avec des amis après un voyage, un repas, mais je ne reconnais pas du tout l'endroit où cette photo a été prise. Ça me paraît tellement improbable.

Bangkok 2014

Je renvoie un message pour demander si cette photo est un montage, en tout cas bravo, car ça paraît tellement réel.

Une réponse arrive rapidement, et cette personne dit non, ce n'est pas un gag. Elle me dit qu'elle vient de prendre cette photo dans le BTS, le métro de Bangkok.

Comment ma photo peut être dans le métro de Bangkok, visible par des milliers de personnes qui l'utilisent chaque jour ? Je ne le sais pas encore, mais ce qui apparaît à la base comme un gag à mes yeux va me faire aller de surprises en surprises.

Environ 2 ans plus tôt, un copain qui se rend à un casting pour une publicité me demande de l'accompagner. Je me dis que ça pourrait être sympa de découvrir ce milieu que je ne connais pas.

Quand on arrive au casting, il faut toujours remplir une fiche de renseignements, mais je suis là uniquement pour accompagner. Donc, quand la personne à l'accueil me demande de remplir cette feuille, je souris et précise que je ne suis pas là pour faire ce casting. Elle me dit : "Ça ne vous coûte rien d'essayer." Et me voilà embarqué dans ce casting, sans aucune attente, juste pour vivre cette expérience originale.

Quelques jours plus tard, je reçois un message : à mon grand étonnement, je suis choisi pour tourner dans cette publicité.

Les dates de tournage sont fixées un mois plus tard... et plus de nouvelles jusqu'à une semaine avant ce tournage. J'envoie un message pour avoir des nouvelles, on me dit qu'on va me recontacter rapidement... ce ne sera jamais le cas.

Mon expérience aura été de courte durée dans ce milieu... mais le hasard des rencontres va me faire changer d'avis.

Un ami que j'ai rencontré dans la résidence où je vis me dit que je devrais essayer de faire de l'acting/modeling. Je lui réponds que non, lui racontant mon expérience précédente.

Finalement, il me donne 2 contacts d'agents... et me voilà relancé vers le graal : un Oscar à Hollywood.

Je fais quelques apparitions dans des pubs... certes, en tant que figurant. Je fais quelques castings, dont le résultat est toujours le même : le néant. Le tapis rouge à Cannes et sa montée des marches est encore loin.

Je me rends à un autre casting, pas pour une pub, mais pour une séance photo. Mais je trouve surprenant qu'il n'y ait pas ou si peu de monde pour postuler.

Posée sur une table, je vois une photo du modèle recherché pour cette séance de photo. Je suis surpris par la ressemblance entre cette photo et moi-même.

Quelques jours plus tard, je reçois un message de l'agent : je suis choisi.

La séance de photo se passe bien. Dois-je déjà prendre mon billet d'avion pour Cannes ou Los Angeles ? Hollywood, me voilà.

Quelques semaines se passent... jusqu'au jour où je reçois cette photo sur mon portable.

J'avais demandé à quoi servirait la photo... réponse vague, surement le secret professionnel. Finalement, ce milieu a des codes que je ne maîtrise pas.

Après la surprise, la stupéfaction et quelques recherches sur internet, je comprends : cette photo (ainsi que celles de 2 autres modèles) servira de support à une campagne de pub pour une application permettant de visionner des films. Cerise sur le gâteau, cette application s'appelle ''Hollywood HDTV''.

J'appelle un ami, Steph, passionné de photographie, et je lui dis qu'il faut qu'on aille prendre des photos dans le métro. Quand ? Ben maintenant si t'es dispo.

On arrive à une station de BTS (le métro de Bangkok), je ne vois rien, quelques rames de métro passent, rien. Je me pose des questions quand soudain…

Une rame arrive sur le quai, je vois ''Hollywood HDTV'' sur chaque wagon... cette campagne de pub est bien réelle. On monte dans un wagon et je vois ma photo... incroyable.

Il faudra, après des dizaines de photos prises, que Steph me fasse sortir de ce wagon. Finalement, on est bien dans le métro de Bangkok.

Quelques jours passent, l'excitation retombe et je reçois une photo d'un copain : la photo, la même, est sur un écran géant dans l'une des plus grandes intersections de Bangkok.


Un autre copain m'appelle : "Ta photo est sur YouTube."

J'apprends aussi qu'il va y avoir un salon au Queen Sirikit National Convention Center où l'application sera représentée : je m'y rends, et... encore cette photo affichée sur écran géant ou sur le stand ''Hollywood HDTV''.


C'était en 2014... nous sommes en 2023, et je ne suis toujours pas allé à Hollywood... ni même à Cannes.

Ai-je mérité cette exposition ? Bien sûr que non.

Avais-je un talent particulier ? Non.

J'avais juste le profil qui était recherché, le visage qu'ils voulaient.

Est-ce de la chance ? En partie, mais pas que.

Cette citation n'est pas de moi, mais la chance appartient à ceux qui la provoquent.

Faire les bonnes rencontres, positives, qui vont vous pousser, vous entre-ouvrir des portes.

Accepter l'échec, encore et encore, mais toujours essayer, encore et encore.

Est-ce que cette expérience a changé ma vie ? Pas du tout, ce fut juste un moment d'euphorie.

Il faut apprécier le moment présent et revenir à la réalité, rester les pieds sur terre, rien n'est éternel.

Je n'aurais jamais imaginé vivre une telle expérience en débarquant à Bangkok en ce jour de novembre 2009... le futur m'apportera d'autres moments que, même dans mes rêves, je n'aurais imaginé... mais aussi des moments difficiles qui vous marquent, comme une empreinte indélébile au plus profond de vous.




jeudi 3 août 2023

Épisode 1 : Le Départ


Aéroport de Nice Côte-d’Azur 
04 Novembre 2009                      

Deux copains… non, deux amis avec qui j’ai partagé de merveilleux moments, beaucoup de complicité, mais aussi qui ont été présents, qui m’ont soutenu dans ce qui a été et restera sûrement, le moment le plus difficile de ma vie.

04 Nov'2009

Nico et Fab sont avec moi à l’aéroport de Nice ce 04 Novembre 2009.

En 2002, nous étions tous les 3 dans ce même aéroport, excités et impatients de découvrir l’Asie pour la première fois. Chacun avait son sac à dos, son passeport. Direction la Thaïlande.

Aujourd’hui, je suis le seul à avoir un sac à dos et un passeport… pas sympa les gars de me laisser partir tout seul… mais je sais que s’ils le pouvaient, ils m’accompagneraient dans cette aventure.

Quand nous sommes revenus tous les 3 de notre voyage en Thaïlande, on s’était dit que ce serait génial si l'un de nous pouvait un jour s'y installer. Sachant qu'il y a toujours une part d’imprévus, d’obligations qui rendent nos rêves difficiles à accomplir, nous nous mettons nous-mêmes des barrières, hésitons, avons peur, et notre zone de confort si douillette nous rassure. Nous nous trouvons des excuses pour ne pas franchir le pas, la peur de l’inconnu nous saisit et finalement… nous ne faisons rien.

Il n’y a pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour être heureux, vivre ses rêves et prendre des risques. Le plus important est, à mes yeux et comme le dirait un bon copain : "mission accomplie".

Quand on regarde dans le rétro, on doit pouvoir se dire que, certes, nous n’avons pas pu tout faire, mais nous sommes fiers de notre parcours, fiers de ce que nous avons accompli.

Je viens de faire l’enregistrement de mes bagages, dernière accolade avec Nico et Fab. Nous sommes tous excités et émus. Je passe les contrôles de sécurité, je me retourne vers eux, mais je ne les vois plus.


À ce moment-là, je réalise que ma vie va changer. Je panique un peu. J’ai tout laissé derrière moi, vendu ma voiture, quitté mon appartement. J’ai juste un sac à dos, mon passeport, et dans quelques heures, je serai à Bangkok : je ne connais personne, aucun contact, j’aurai juste 30 jours d’autorisation de séjour sur mon passeport à l’arrivée.

J’ai essayé de prendre quelques contacts professionnels : aucun retour, trouver un quartier pour me loger : je découvrirais ce quartier…quelques années plus tard.

J’ai juste réservé quelques nuits d’hôtel et j’ai rendez-vous dans une école pour m’inscrire et apprendre le Thaïlandais.

L’avion s’aligne sur la piste de décollage et prend son envol. Je regarde par le hublot pour voir cette belle ville de Nice où j’ai tant de souvenirs.

Soudain, j’éclate en sanglots. La peur, l’angoisse et l’anxiété de me lancer dans cette aventure… bien sûr que ces sentiments sont en moi, mais pas à ce moment-là.

Je cherche le cimetière où est enterrée ma Maman. Je sais que c’est utopique, mais j’en ai besoin.

Je me dis : "Mais quel fils je suis pour laisser cette Maman qui a tant souffert pour que mon frère et moi-même ayons une vie 'normale', partir si loin d’elle."

Quelques années plus tôt, on avait eu une conversation et elle m’avait dit que je devrais voyager moins, économiser, mais je lui avais dit que je voulais découvrir le monde, vivre ma vie.

Quelques semaines plus tard, peut-être quelques mois, elle m’avait regardé dans les yeux : "T’as raison, mon fils, profites."

Non, je ne suis pas un fils indigne et je sais que tu seras là, à mes côtés, chaque jour, chaque minute.

Qu’on le veuille ou non, notre passé nous suivra, même à l’autre bout du monde, nos émotions seront influencées par notre vécu.

A nous d’utiliser tous ces éléments afin que ça devienne une force, pas une faiblesse.