Je suis dans mon appartement, occupé à vaquer à mes occupations, peut-être sur mon ordinateur… mon souvenir de ce moment est vague.
J’entends qu’on
sonne à ma porte, plusieurs fois… Quelques instants plus tard, avant que je
n’aie eu le temps d’ouvrir, quelqu’un toque.
C’est bon, relax, j’ai entendu, j’arrive.
J’ouvre la porte
et je vois Nina, la copine de mon ami Alex, paniquée.
J’ai rencontré
Alex et Nina dans la résidence où je vis, et nous avons très vite sympathisé.
Alex est Anglais
et a pris sa retraite en Thaïlande. Nina travaille pour une compagnie qui
organise des salons sur le mariage.
Nous nous voyons
souvent pour prendre un café, partager un repas, et Alex me donne des cours
d’Anglais. J’ai raté des opportunités professionnelles à cause de mon niveau
d’Anglais insuffisant.
Une belle
relation se développe, et nous apprécions ces moments passés ensemble.
La vie est faite,
de temps en temps, de ces rencontres où il n’y a aucun intérêt, aucune
arrière-pensée, juste le feeling qui opère et qui rend ces rencontres encore
plus belles.
Je demande à Nina
ce qui ne va pas, elle me répond… "Alex".
"Quoi Alex ?
On a mangé ensemble il y a moins d'une heure. Je ne comprends pas ce qui se
passe.
Je me rends dans
leur appartement et je vois Alex, assis sur une chaise, un peu sonné mais
conscient.
Je lui parle pour
m’assurer qu’il m’entend, je lui demande de me parler pour être sûr qu’il reste conscient.
Il me répond, ses
propos sont clairs, et il me dit qu’il a fait un malaise, mais que ça va mieux.
Depuis quelques
jours, quand je rencontrais Alex, il avait des malaises, assez courts.
Il avait été voir
un médecin, mais devait avoir un traitement… Il attendait que son assurance prenne
en charge ces frais.
"Alex, va
faire ce traitement. S’il le faut, je participerai aux frais et tu me
rembourseras plus tard."
J’insiste, mais
il refuse… Je ne peux pas le forcer… J’aurais dû.
Alex reprend ses
esprits, il va mieux, la pression tombe et le calme revient.
Nina me demande
s’il faut annuler l’ambulance qui a été appelée.
"Non. Il est
préférable qu’un médecin le prenne en charge. Ces malaises sont inquiétants"
En attendant que
le médecin arrive, Alex est toujours assis sur une chaise. J’essaie de le
garder conscient, je lui parle, lui passe de l’eau froide sur le cou… Je sens
qu’il a tendance à s’évanouir.
"Reste
conscient, Alex, s’il te plaît. Le docteur arrive."
Soudainement, il
s’écroule dans mes bras.
Au même moment, Neil, un copain Anglais qui vit dans la résidence, arrive.
J’ai le souvenir
qu’on allonge Alex au sol.
On commence un
massage cardiaque, Neil insuffle de l’air à Alex dans la bouche, je fais le
massage cardiaque.
Je n’ai aucun
souvenir de comment nous nous sommes réparti les gestes à faire, mais sûrement
le réflexe de cours de secourisme.
Le temps paraît
interminable jusqu’à l’arrivée du médecin.
Pendant combien
de temps avons-nous massé Alex ? Quelques minutes, surement plus mais ça nous a
paru être des heures.
Le médecin prend
Alex en charge avec son équipe, on est fébrile mais confiant.
Malgré de nombreuses
tentatives pendant 30 minutes, Alex ne réagit pas.
Tout est
tellement confus, les souvenirs se bousculent, et je peux me tromper dans mes
souvenirs, mais je vois l’image de ce médecin qui se relève et me dit :
"On continue ?"
Comment puis-je
prendre une telle décision ? Je n’ai aucun droit pour ça.
"On
continue…"
Alex sera déclaré
décédé un peu plus tard.
C'était en Août 2012… Le
temps a passé depuis, tous ceux qui connaissaient Alex ont poursuivi leur vie,
moi y compris, mais les souvenirs restent, et il ne faut pas garder en mémoire
que ce jour où tout a basculé.
Ma mémoire a
effacé ou plutôt gardé au fond d’elle-même certains moments de ce jour.
Est-ce une
protection ? Je ne sais pas, sûrement, mais rien n’effacera ces moments passés
ensemble, cette complicité, ces partages qui ont créé cette amitié entre des
gens qui n’avaient pas la même langue, la même éducation, mais qui avaient un
point en commun : le respect de l’autre.
"We miss You,
Alex."